Sur les plates-formes des Réseaux sociaux, on rencontre des gens qui interviennent dans la majorité des débats. Ils prétendent tout connaître. On dirait un domaine spécial dans la science : la « Nionsologie ».
En lingala, « nionso » signifie « tout ». La « nionsologie » est donc une science de ceux qui croient tout savoir. « Il s’agit de l’attitude de ceux qui s’arrogent le droit de tout commenter, tout expliquer ou qui montrent qu’ils sont capables de tout. Jusqu’à imaginer ce qui gît au fond de la pensée de ceux qui n’ont rien dit », tente de définir la plateforme des blogueurs congolais, habarirdc.net.
Des « niosologues » ou « Toutologue », ces diplômés en « niosologie », sont dans toutes les plates-formes de discussion des réseaux sociaux. Ils se basent souvent sur du sensationnel et des suppositions. Aussi, ils veulent toujours paraître trop compétents ou mieux informés que les autres.
A la fois virologues, politologues et experts militaires
En effet, durant la dixième épidémie d’Ebola ainsi que lors de la pandémie de Covid 19, nombreux se sont érigés en virologues, épidémiologistes ou dans d’autres domaines de la médecine… Aujourd’hui, ils sont devenus des juristes, experts en stratégie militaire, sécuritaire et diplomatique… Ces intellectuels 2.0 ne se privent jamais de donner leur point de vue.
« À un débat sur le nucléaire, ils sont-là et prétendent en savoir quelque chose. Qu’on évoque une affaire de détournement de deniers publics, ils savent vous dire qui le fait depuis toujours et qui a payé quoi avec l’argent détourné… Ayons l’humilité de ne pas montrer qu’on sait tout et qu’on maîtrise tout. Prouvons que nous pouvons apprendre des autres sans complexe d’infériorité. C’est sage ! » conseille Professeur Toussaint Tshilombo.
Ces « savants 2.0 » participent fréquemment à des discussions sur des sujets complexes dont ils n’ont même pas une compréhension approfondie. Ils mêlent des informations probables à des propos trompeurs ou infondés… « Parfois ils s’appuient sur des fausses sources et propagent de fakenews pour obtenir des like, des partages et des nombres de vue », explique un chercheur sur des questions de cybercriminalité.
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Par exemple, un « niosologue » peut vous informer que « Les Etats-Unis ont annoncé la trêve du 5 au 19 juillet 2024 pour donner du temps aux éléments du M23 de participer aux élections présidentielles au Rwanda du 15 juillet ». Pourtant la trêve est là pour permettre un accès aux aides humanitaires et aux civils. Quelques heures après, il annonce que le Président de la République est malade et veut se retirer du pouvoir, comme dans ce tweet de Simaro Ngongo du 18 juillet 2024.
Trop applaudi par la masse
Dans certains cas, où on veut lui faire entendre la raison, le « nionsologue » maintient son argument. « Vous pouvez même citer les résultats des recherches scientifiques, apporter toutes les preuves possible, mais en vain. Il va seulement vous dire qu’on ne veut pas que la population le sache. Et la masse l’applaudit », s’indigne Eddy Kazadi, chercheur dans le domaine de l’éducation et du numérique.
Umberto Eco, théoricien éclectique des années 1960, l’explique mieux dans cette phrase. « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ».
Il s’agit de l’effet Dunning-Kruger, aussi appelé effet de surconfiance. C’est un mécanisme cognitif par lequel les personnes les moins qualifiées d’un groupe tendent à surestimer leur compétence dans un domaine.
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L’effet Dunning-Kruger ou l’art d’être à l’aise
Ce mécanisme peut être rapproché de l’ultracrépidarianisme (qui donne son avis erroné dans tout sans avoir de connaissances sur le sujet) ou de polymathe (génie universel) qui a une certaine connaissance approfondie d’un grand nombre de sujets différents.
Face aux « niosologues », il devient difficile pour les experts de se faire entendre. Cela conduit à une méfiance généralisée envers les autorités scientifiques et les décideurs politiques.
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