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Soucieux d’élire, des jeunes de Butembo et Beni improvisent leurs propres bureaux de vote

A Beni et Butembo deux villes distantes l’une de l’autre de 54 Km et situées à l’est de la RDC au Nord-Kivu, des habitants n’ont pas voulu rester à l’écart des élections triplées présidentielles, législatives nationales et provinciales de dimanche 30 décembre. Ils ont fait recours à une simulation de vote dans des bureaux improvisés. L’acte posé enthousiasme et déstresse nombreux.

Dans certains centres, des agents électoraux endossent des tenues de la CENI des élections de 2011 © Photo Umbo Salama

Dimanche 30 décembre, la RDC se choisit ses dirigeants pour 5 ans (constitutionnels) à la présidence de la République ainsi qu’aux assemblées nationale et provinciales. Mais le 26 décembre, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) a exclu trois circonscriptions électorales de ses élections. Il s’agit du territoire de Beni, des villes de Butembo et Beni au Nord-Kivu, à l’est, et de Yumbi dans le Maindombe, à l’Ouest du pays. La CENI parle de problème d’insécurité et d’Epidémie d’Ebola à Beni et Butembo, et des conflits armés à Yumbi. Unis par la colère de se trouver à l’écart de ce grand rendez-vous, des bureaux de vote à ciel ouvert s’improvisent et déstressent nombreux des Bubolais (habitants de Butembo).

Des bureaux de vote à ciel ouvert

Au rond-point Nziapanda, à la sortie Sud de la ville de Butembo, des conducteurs des motos taxis improvisent une élection. Ils se cotisent pour acheter un cahier dans lequel ils arrachent des papiers à la volée, les découpes en petits morceaux pour servir de bulletin de vote. C’est sur ce bout de papier que l’électeur marque les différents numéros de ses candidats à l’aide d’un stylo. « Il faut commencer par le numéro du président, puis celui du candidat à la députation nationale et enfin celui de la députation provinciale », lance le chef du parking, autoproclamé président de ce bureau de vote. Après cette étape, on glisse son bulletin dans un carton qui sert d’urne pour la circonstance.

Un point de lavage des mains dans un bureau de vote de fortune au rond point Nziapanda à butembo © Photo U S

Les électeurs ne sont pas seulement des conducteurs des motos taxis. L’engouement y est observé. Des gens affluent des tous les quartiers situés dans les environs de ce carrefour. Jeunes et vieux, hommes et femmes s’y rendent pour, selon leurs dires, remplir leur devoir civique. Les règles d’hygiène entrent en contribution. Un kit de lavage des mains est mobilisé. Avant d’obtenir son bulletin de vote, il faut d’abord se laver les mains pour limiter les risques de contamination de la maladie d’Ebola. La même scène a été visible en ville de Beni, à environs 350 Km au nord de Goma. Six bureaux de vote, répartis dans quatre communes.

Limiter la nostalgie d’élire

Une vingtaine de bureaux de vote à ciel ouvert fonctionne jusqu’au soir. A Mutsanga à l’est de la ville et à Furu à la sortie Nord, deux points chauds et bases des deux groupes de pression dont la véranda Mutsanga et le parlement débout de Furu, pour élire dans ces bureaux improvisés il faut d’abord exhiber sa carte d’électeur. Sans ce document, on ne fait pas partie des électeurs. « Nous ne sommes pas rassurés qu’il y aura élection même en mars. C’est notre manière de prouver que nous avions la nostalgie de contribuer au changement dans ce pays », s’enthousiasme une dame à la sortie du bureau de vote de Mutsanga, visiblement contente de voter dans ces conditions.

Un autre membre du bureau de Furu nous explique que vers 18h00, chaque bureau va procéder au dépouillement de ses votes et les résultats seront envoyés au Bureau de la CENI antenne de Butembo ainsi qu’à la MONUSCO. « Même si nos résultats ne seront pas envoyés à Kinshasa, au moins le monde va savoir la tendance des élections dans notre ville de Butembo », explique un jeune de la Véranda Mutsanga, un des groupes de pression. Pour d’autres, c’est un exercice qui montre au gouvernement que ce que lui n’a pas su organiser en cinq eux sont à mesure de le faire en deux jours. Reste à savoir, le crédit à accorder à ces scrutins fictifs.


Kamerhe-Tshisekedi : Quand un gourmand abandonne un gros plat à son frère

Réunir les politiciens de la République Démocratique du Congo pour un objectif commun, c’est construire une tour de Babel qui aboutit à l’impossible compromis. C’est comme le partage de repas entre des frères gourmands. Laisser pour une seule fois le plat à son frère nourrit des suspicions comme Vital Kamerhe qui laisse place à Felix Tshisekedi aux élections présidentielles du 23 décembre.

Ma réflexion part d’une observation d’enfance. Si vous avez un frère gourmand, le jour qu’il arrive le dernier et sort le premier de la table à manger, il faut s’interroger soit sur sa sincérité d’être rassasié, soit sur la qualité du repas. Il y a anguille sous roche. « Qu’est ce qui se passe ? Est-il malade ? » C’est la même question qu’on peut se poser quand Vital Kamerhe, président de l’UNC (Union pour la nation congolaise) se désiste aux élections présidentielles du 23 décembre en faveur de Félix Tshisekedi de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) et tous deux se coalisent sous la plateforme CACH (Cap vers le changement).

Abandonner son rêve le plus ardent !

Affiche Fatshivk à kisangani © Photo Lydie D. Omanga, du bureau de communication de l'UNC
                              Affiche Fatshivk à kisangani © Photo Lydie D. Omanga, du bureau de communication de l’UNC

 

Aux élections de 2006, Vital Kamerhe était le directeur de campagne de Joseph Kabila. Cette bravoure lui donne accès à la présidence de l’Assemblée Nationale, alors qu’il s’attendait jouir de la primature. Selon le magazine Jeune Afrique, il commençait à nourrir des ambitions de devenir le successeur de Kabila à la présidence après deux mandats et donc en 2016. Un rêve qui  s’était effondré avec sa démission à la tête de la chambre basse du parlement. Il entre dans l’opposition et monte sa propre boutique : l’UNC (Union pour la nation congolaise). Il compte sur la masse qu’il avait mobilisée pour faire élire joseph Kabila.

En 2011, il est aussi candidat à la présidence et lance l’idée d’une candidature commune ou unique de l’opposition. L’objectif est de contourner la disposition constitutionnelle d’élire le président en un seul tour au lieu de deux. Ce changement constitutionnel date du règne de Kamerhe à la présidence de l’assemblée nationale. Qui devrait être ce candidat commun ou unique ? Kamerhe pensait qu’avec sa popularité de 2006, il est populaire et meilleur que les autres. Il avait oublié qu’il est dans la course avec Etienne Tshisekedi qui a combattit dans l’opposition depuis le règne de Mobutu.

Base de Felix ou béquille de Kamerhe

La cours constitutionnelle donne à Kamerhe un nouvel espoir pour les élections du 23. Des baleines de l’opposition sont écartées. Des rencontres des opposants se multiplient. Contre toute attente, Martin Fayulu est désigné candidat commun de l’opposition à Genève. Le lendemain de la signature, Felix Tshisekedi se rétracte et se justifie qu’il va d’abord expliquer à sa base. Il est suivi par Kamerhe qui cite la même raison que Felix. C’est par après que Kamerhe comprend que même les députés de son parti politique surtout ceux de l’est ne sont pas d’accord avec le retrait de sa signature de Genève.

Comment alors rentrer au pays ? C’est là que Felix Tshisekedi entre en jeux. Il faut s’appuyer sur sa base. Pour y arriver, Kamerhe lui donne la grosse part. Le tour se joue à Nairobi, au Kenya avec la signature de l’accord de création de CACH (Cap vers le changement). Félix Tshikedi est désigné candidat président de la république et Kamerhe directeur de la campagne. Voilà comment un gourmand abandonne le gros plat à son frère.


Shadary montre-moi ce que t’as dans le ventre

Qui peut prononcer cette phrase devant Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat du FCC (Front Commun pour le Congo) ? A l’allure où vont les choses durant cette période de campagne électorale, le « Dauphin » de Joseph Kabila et qui a le gouvernement ainsi que les institutions de la RD Congo derrière lui, semble être seul dans l’arène. Je ne dis pas seul puis que d’autres candidats jouissent déjà des coalitions tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Comment expliquer cette solitude du candidat du FCC ?

Capture d'écran du compte Twitter de Ramazani Shadary
Capture d’écran du compte Twitter de Ramazani Shadary

 

Plusieurs congolais restent convaincus qu’Emmanuel Ramazani Shadary ne dispose pas d’une énorme popularité. Mais il bénéficie de la machine du pouvoir pour mener sa campagne. A sa première étape de mobilisation électorale, il choisit le Haut-Katanga, Lualaba, Haut-Lomami et Tanganyika. On peut dire, l’ex-province du Katanga. Il s’agit d’une région où Moïse Katumbi est prénommé « Baba », traduisez « Père ». Shadary y va tout de même sans l’appui de son « Maître ». Et je présume que les prochaines étapes seront les deux Kasaï de Tshisekedi ou l’équateur et la province orientale de Jean pierre Bemba.

En effet, en RDC la sociologie électorale est tribale. Cela n’empêche à personne de poursuivre son adversaire jusque dans son dernier retranchement : sa « base électorale ». Une dure épreuve qui relève de parcourt de combattant à laquelle est soumise Emmanuel Shadary et qui doit se débattre dans ces provinces, fiefs des leaders de l’opposition, comme un « Diable dans un bénitier ». L’illustration va jusqu’à rappeler l’histoire de David et Goliath.

Maître pourquoi tu m’abandonnes ?

Cette phrase de Jésus Christ est reprise chaque vedrendi saint dans l’Eglise Catholique, la veuille de Pacques. Va-t-elle aussi revenir la veuille des élections en RDC? Il n’y a pas que Shadary qui puisse aller jusqu’à la prononcer. Des alliances dans les rangs de l’opposition et qui vont dans le sens de « je t’aime, moi non plus » ne s’écartent pas encore de cette exhortation. Mais pour Shadary, c’est autre chose.

Personne ne s’attendait à sa désignation comme Dauphin de Joseph Kabila. Issue du pouvoir en place, il semble se rassurer avec tous les moyens mis à sa disposition. Mais il va de meeting en meeting on dirait sans la bénédiction de son maître. « Celui qui devrait être tout le temps à ces côtés surtout dans des provinces où Joseph Kabila avait été élu massivement en 2006 et 2011 », selon moi et comme on l’a toujours vu dans des campagnes électorales en occident.

C’est ici que je me trouve dans l’obligation de m’interroger. Pourquoi Kabila ne veut pas mouiller sa veste dès le début de la campagne électorale pour faire élire son dauphin ? Ou encore sur qui compte-t-il pour la victoire d’Emmanuel Ramazani Shadary ? Mieux encore : « Emmanuel Shadary est-il choisi du fond du cœur de Joseph Kabila pour être son Dauphin ». Shadary, fait voir tes biceps pour qu’on sache qui tu seras pour la RDC.


Accord de Genève : Quand le retrait des signatures de Kamerhe et Félix fait la publicité de Fayulu à l’est de la RDC

Les partisans des deux ex-signataires de l’accord de Genève peinent à prendre parole pour défendre la position de leurs mentors. Ce temps passé, laisse libre passage à Fayulu. Mais rien n’est encore gagné ni perdu.

Montage photo de Kemerhe et Fayulu, photo du magazine Jeune afrique

A l’est de la RDC, les candidats députés inscrits sur la liste de l’UNC (Union pour la nation congolaise) de Vital Kamerhe, sont au bout d’une route et trouvent tout à coup deux chemins : « Faut-il prendre le côté de Kamerhe ou de Fayulu, ou bien rester là jusqu’au soir ? ». Mais comme ils savent lire, certains tentent de sortir de leur niche pour exprimer chacun le côté qu’il va suivre.

A Butembo, par exemple, Djimmy Peruzi, inscrit sur la liste de l’UNC (Union pour la nation congolaise) a déclaré dans les médias locaux vendredi 16 novembre que lui soutient jusque-là l’accord de Genève qui déclare Martin Fayulu candidat commun de l’opposition congolaise. « On ne peut retirer la signature posée sur un accord à travers les médias. Il faut qu’on signe un accord qui annule le premier », a-t-il indiqué. Pour sa part, l’honorable député Mbindule Mitono, aussi de l’UNC, a écrit sur compte twitter qu’il va se prononcer après avoir consulté sa base au Nord-Kivu, Beni, Ituri, Tshopo…

 

Aucun profil de candidat président

Martin Fayulu était encore moins connu auprès des populations ordinaires de l’Est de la RDC. Après le choix porté à sa personne le dimanche comme candidat commun de l’opposition, nombreux se sont interrogés : « qui est-il ?, pour quoi lui et non tel ou tel autre ? ». Quand Felix Tshisekedi et Vital Kamerhe ont retiré leurs signatures, le nom de Martin Fayulu fait le buzz sur des réseaux sociaux à l’est de la RDC.

En effet, dans cette partie du pays, le profil du futur raïs est loin d’être unanime. Il suffit de demander à certaines personnes : « pour qui allez-vous voter aux élections présidentielles du 23 décembre 2018 ? » Les réponses sont toujours évasives. Dans des débats à travers les médias, des discussions dans des transports en commun et autres échanges, des conclusions penchent souvent vers des candidatures de l’opposition sans fournir une précision sur la personne. Et donc ici toutes les candidatures de l’opposition étaient encore bonnes.

Et croire que le retrait des signatures de Kamerhe et Tsisekedi donne encore du poids à la majorité présidentielle à l’est du pays, c’est vite conclure. La réalité est autre. Puis que dans cette bataille, Kamerhe semble être le plus perdant à l’est du pays.

Rien n’est encore gagné ni perdu

Il fallait encore attendre les conclusions de Genève et les déclarations de certaines personnalités du milieu pour savoir quel candidat la population va se ranger. L’accord est signé. Aucune manifestation, ni de joie, ni de remord au sein de la population. Sur les réseaux sociaux et dans des conversations, on se limite à informer que le choix est porté sur la personne de Martin Fayulu.

Felix Tshisekedi est le premier à retirer sa signature de l’accord. Les choses ne se gâtent pas trop car sans trop d’enjeux pour la partie est, même si son feu Père était massivement voté en 2011 dans certaines circonscriptions. C’est quand Vital Kamerhe annonce le retrait de sa signature que tout semble s’embraser. On l’accuse de tous les maux et surtout de jouer le jeu de la majorité. Les anciens électeurs de Kamerhe se promènent maintenant avec des photos de Fayulu. Mais cela ne donne pas encore de privilège à celui-ci d’être massivement élu à l’est du pays. le pari n’est pas encore gagné pour Fayulu. Ce n’est que le début.


RDC : Ces radios communautaires qui vont encore donner de l’espoir aux populations du territoire de Lubero

Du lundi 5 au jeudi 8 novembre 2018, quatre jours durant, une vingtaine des journalistes et animateurs de dix radios communautaires du territoire de Lubero, en province du Nord-Kivu, à l’est de la RDC, se sont réunies dans la salle de l’hôtel « SMS » de Kayna. Le CENED (Centre d’éducation nutritionnelle et environnementale pour le développement), initiateur de cette rencontre, veut faire participer la presse locale du territoire de Lubero à la culture démocratique.

des journalistes de Lubero en pleine formation © Photo CENED RDC
Des journalistes de Lubero en pleine formation ©CENED RDC

Quand on écoute des noms des agglomérations telles que Masereka, Miriki, Kikuvo, Kitsumbiro, Kirumba, Kayna, Luofu… des agglomérations du territoire de Lubero, les images qui viennent en tête sont des scènes de terreurs, violences, pillages, vols, viols et tueries des personnes. Tellement que ces villages subissent des affrontements à répétitions entre des hommes en armes.

Comment changer l’image de ces milieux et parler de la vie quotidienne, des initiatives locales du territoire de Lubero ? Comment faire participer la population locale à la gestion des conflits dans leurs milieux ?

Voilà pourquoi le CENED m’a invité pour échanger avec des journalistes des radios locales sur leurs rôles en zones des conflits armés et surtout en cette période où la RDC se prépare à la troisième expérience démocratique, avec une élection présidentielle prévue le 23 décembre 2018.

Double problématique

Voici comment j’ai intitulé le thème autour duquel nous avons échangé avec ces journalistes durant les quatre jours : « Radios communautaires en zones des conflits et pratiques du journalisme en période électorale en territoire de Lubero ». Une double problématique. D’abord le travail des radios communautaires dans une zone en conflits, puis le travail du journaliste pendant les périodes électorales. C’est pourquoi, j’ai subdivisé l’idée à trois sous-thèmes.

©CENED RDC

Le premier sous-thème a porté sur les principes fondamentaux pour comprendre les radios communautaires. Il fallait expliquer à ces chevaliers de la plume qu’une « radio communautaire donne le pouvoir aux personnes et aux communautés, permet l’échange des nouvelles, de l’information et permet aux populations de leurs communautés de participer au dialogue continu au sujet des problèmes politiques et de développement ». C’est la radio des sans voix. Bien souvent on utilise l’expression « radio de proximité ».

Le deuxième sous-thème s’est penché sur des techniques de récolte, traitement et diffusion de l’information dans une radio. Avec des exemples des travaux déjà réalisés dans d’autres médias, des travaux pratiques et de descentes sur les terrains à la rencontre des sources,… ce point a porté sur comment trouver un sujet d’information, formuler l’angle, choisir et rencontrer des personnes ressources avant de procéder aux techniques d’écriture et de diffusion à la radio.

Des radios communautaires pour consoler les affligés

Et enfin, il fallait parler des pratiques du journalisme en période électorale dans une zone en conflits armés. Les principes phares ont été « libres et accès équitables de tous les partis à la radio, la contribution des journalistes à l’éducation électorale ». Aussi, pour ces radios, « diffuser une information fondée sur des faits vrais, vérifiables, exacts et fiables, reste la règle d’or pour la sécurité du journaliste ».

Pour plusieurs participants, c’est la première fois de prendre part à une formation en journalisme. De mon côté, bien appliquer ces principes en territoire de Lubero, c’est redonner de l’espoir à cette population qui ne sait plus à qui elle peut encore exposer ces problèmes. Pour dire ces radios communautaires doivent s’approprier la pensée de Finley Peter Dunne, un écrivain et humoriste américain du 19ème siècle, qui avait déclaré que le métier de journaliste consiste « à consoler les affligés et à affliger les nantis ».