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CAN 2024 : « Les Brazzavillois, surveillez le fleuve », cette blague de Herman Amisi qui fait du buzz

En marge de la CAN qui se déroule en Côte d’Ivoire, l’humoriste de la RDC, Herman Amisi, a initié une blague. Cette blague appelle le Congo-Brazza à surveiller le fleuve qui sépare Brazzaville et Kinshasa. En effet, la RDC a des yeux braqués sur la Coupe d’Afrique des Nations, alors que le fleuve Congo est en crue.

Une vidéo qui fait parler

« Les Brazzavillois, surveillez le fleuve ! ». Cette phrase de l’humoriste congolais Herman Amisi est devenue virale sur les réseaux sociaux en pleine 34ème édition de la CAN. Dans une vidéo qui dure 1 minute et 16 secondes, entouré des filles habillées aux couleurs de la RDC, Herman Amisi lance : « Côte d’Ivoire, on arrive ! La CAN sans la RDC c’est une panne ».

Sur sa page Facebook, cette vidéo vient d’accumuler plus de 91 000 likes, 85 000 commentaires et a été partagée 21 000 fois.

En effet, la RDC participe à la 34ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations, mais pas le Congo d’en face. Cette coupe se déroule pendant que les eaux du fleuve Congo inondent des quartiers de Kinshasa et de Brazzaville depuis décembre 2023. Ces inondations causent des dégâts matériels et humains qui vont jusqu’à paralyser des activités dans ces deux capitales.

« Faites appel même aux Gabonais ! »

Cette blague est rapidement devenue virale et marque les esprits des supporters des Léopards et même des médias internationaux. « Même sur TV5 monde on en a parlé. J’ai été surpris ! », indique Chadrack Nzakizwa, un internaute.

Pour cet humoriste, comme le Congo (Brazzaville) n’est pas invité à la CAN, il devrait se contenter de protéger le fleuve. « Nous ne voulons pas perdre nos poissons. Vous n’avez rien à faire et vous n’irez nulle part. La seule chose que nous vous demandons c’est de surveiller le fleuve. Vous ne serez pas seuls, il faut faire appel aux Gabonais par ce qu’ils sont aussi nos voisins. La seule chose que vous avez c’est le Bachelor ».

The Bachelor (« The Bachelo » signifie « Le célibataire » ; ça fait plus cool en anglais je suppose) est inspirée d’une émission américaine du même nom, lancée en mars 2002 sur la chaîne ABC. Cette téléréalité a une déclinaison dans presque tous les pays occidentaux (France, Allemagne, Canada, etc.).

En Afrique, le groupe Canal+ a choisi la Côte d’Ivoire pour la diffusion de la première saison et le Gabon pour la deuxième saison. Dans tous les cas, on a généralement affaire à un jeune homme riche et beau, en face d’une vingtaine de jolies demoiselles à la recherche d’un prince charmant. Le tournage se fait toujours dans un lieu idyllique, histoire de respecter les canons d’un roman à l’eau de rose.

Le fleuve est bien surveillé

Depuis cette vidéo, la blague d’Herman est devenue légendaire et transcende les frontières. Sa blague fait même objet de plusieurs images générées par l’intelligence artificielle, montrant des congolais (Brazzaville) en signe de campement protégeant le fleuve Congo. « Ça toujours été pendant la fête que les enfants de Dieu sont tués », explique Vuhese Ephrem. Pour lui, la surveillance vise à limiter les dégâts du fleuve et de ne pas se laisser distraire lors de la CAN.

La réaction des congolais de Brazzaville n’a pas tardé. Pour Hardy Fiston Mpoyi tout est déjà mis en place pour assurer la surveillance du fleuve. « Nous surveillons le fleuve et eux (les congolais de la RDC) doivent nous revenir avec la Coupe ». D’autres s’en foutent et disent que les congolais de la RDC se rendent en Côte d’Ivoire en touristes. D’autres encore, ont besoin des candidats qui ont perdu aux élections pour les aider à surveiller le fleuve. Ça devient très sérieux cette histoire de surveillance du fleuve.

https://twitter.com/VoiceOfCongo/status/1746619477888749584?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1746619477888749584%7Ctwgr%5Eae990e8a4f409a0240df55e7e0f27b6f8352cc85%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Ficicongo.net%2F2024%2F01%2F15%2Fles-leopards-a-la-can-en-cote-divoire-les-diables-rouges-surveillent-le-fleuve-congo%2F
Des candidats malheureux aux élections en RDC attendus pour aider les Brazzavillois à surveiller le fleuve


RDC : Revenons à nos mots, tons… des noms des lieux du Nord-Kivu

Dans la province du Nord-Kivu, en république démocratique du Congo, la plupart des villes, territoires et villages ne portent pas leurs noms d’origine. Les appellations actuelles de ces entités ne signifient presque rien dans les langues locales. Le comble est que même l’administration fait la publicité de ces noms erronés.

Si certains noms ont été changés avant la colonisation, d’autres ont subi des changements durant la colonisation et c’est la majorité. D’autres encore après cette période coloniale. « Les colons eux savaient écrire et ce qu’ils écrivaient c’est ce qui restait comme nom de ce lieu. C’est pourquoi la majeure partie des noms ont été changés pendant l’époque coloniale », indique Kahindo Kambalume Raphaël, Chef des travaux et chercheur en histoire des civilisations.

Pourtant, pour donner un nom à un lieu ou même à une personne, il y a des normes linguistiques, sociales et sociologiques qui doivent présider à cette nomination. Dans d’autres pays, il y a des lois pour changer des noms. Le Parlement et le Ministère de la justice doivent se prononcer au préalable.

Des dénominations sauvages

Selon le professeur Butoa Balingene, le nom est un instrument de paix, de cohésion, d’harmonie et de sentiment d’appartenance. « Mais ici il y a des noms qu’on change seulement pour plaire à une catégorie des gens ou bien par ignorance, ou encore par la volonté de changer l’histoire surtout que le nom est un élément historique », explique le Professeur qui a travaillé sur plus de 3400 noms des lieux du Nord-Kivu, dans différents groupements. « Il s’agit d’une dénomination sauvage », indique le professeur dans sa thèse doctorale portant sur une analyse du sens des nouvelles appellations données aux villes (appelés macro-toponymes) du Nord-Kivu. « Imaginez ! Vous êtes né et vous avez grandi dans votre village. Vous vous déplacez et à votre retour, le nom de votre village a déjà changé. C’est la catastrophe dans votre identité », embraye Professeur Butoa.

Selon lui, sur les trois villes et sept territoires de cette province, aucune entité ne porte son nom authentique. Prenons par exemple Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, qui normalement s’appelait « Ngoma » (ou « tambour ») en référence au bruit assimilable à celui du tambour provoqué par l’éruption volcanique. « On croyait qu’il y a des gens qui jouaient au tambour dans ces montagnes. D’où le nom de « Ngoma » qui signifie tambour en Swahili », explique Benoit Katavali, qui s’intéresse à des études identitaires et culturelles de la région. En effet, Goma n’a aucune signification dans les langues du Nord-Kivu, mais « Ngoma » se comprend facilement dans plusieurs langues locales.

C’est aussi le cas de Beni, à environs 350 kilomètres au Nord de Goma. Le nom authentique de cette ville c’est « Mbené »(chèvre en français). Selon plusieurs sources dans cette ville, ici habitait un homme qui avait beaucoup de chèvres et on l’appelait « Mbené ». Seulement, quand les colons sont arrivés, au lieu d’écrire « Mbené », ils ont écrit Beni. A environs 50 kilomètres au Sud de Beni, il y a aussi la ville de Butembo qui tire ses origines d’un arbre avec des larges feuilles qu’on appelle « Muthembo ».

Trop de noms déformés

Mêmes des noms des tous les territoires ont été transformés. Si on prend l’exemple de Rutshuru : les Rwandophones, eux, parlent de « Rutshuro » qui signifie une mêle pour moudre. Le Muhunde, lui, parle de « Lwitshuru », en référence à une rivière qui traverse la cité de Rutshuru. C’est aussi le cas de Lubero qui n’a aucune signification dans le Kinande. Mais, il tire ce nom de la déformation « Lubiru », une rivière qui traverse ce coin et qui signifie plongeons. « Quelqu’un plonge dans l’eau pour aller apparaitre de l’autre côté », explique Kambalume Raphaël.

Prenons aussi Walikale. Le nom authentique c’est « Nduma Ya karekare ». Ici on trouve la rivière Lowa. Selon la mythologie du coin, sur cette rivière il y avait un pont que seul celui qui s’exprime à Kinyanga peut traverser. « Si vous ne maîtrisez pas cette langue, le pont chavirait. Le mieux c’était de se faire accompagner par quelqu’un qui parle Kinyanga », indique un journaliste du coin. C’est ce pont qu’on appelait « Nduma Ya Karekare » pour dire « le pont des anciens ».

Similairement, Masisi vient de « Sisi » qui signifie danger et quand il y a plusieurs dangers on ne dit pas « Amasisi » mais on dit « Asasisi ». « Normalement si on respectait la norme linguistique on allait écrire Asasisi. Et aujourd’hui on écrit Masisi au lieu de Asasisi », regrette le Professeur Butoa. Nyiragongo, vient de la déformation « Nina Ongo » pour dire la « Mère de Dieu ». Selon la mythologie de la zone, on pensait que Dieu habitait dans le volcan et donc que sa Mère habitait aussi dans le coin.

Prendre conscience de son identité

Il y a aussi d’autres noms des agglomérations qui sont ne sont pas authentiques. C’est comme Kanyabayonga. Ce nom n’a aucun sens ni à Kinande, ni à Kihunde encore moins à Kinyanga. Son nom original c’est « Kanyonga Bayinga », pour signifier « ce qui broie les idiots ». « C’est un milieu commercial et les femmes libres étaient très malignes pour accueillir des commerçants non pas pour les servir mais pour les exploiter (Kubanyonga). Et ceux qui se faisaient exploiter on les appelait des idiots (Bayinga) », révèle Evariste Mali, un notable du milieu. Certains commerçants ne revenaient pas avec des marchandises car déjà broyées à « Kanyonga Bayinga ». Il y a aussi d’autres noms des entités comme Cantine, Sayuni, Amini yesu qui n’ont aucune signification à Kinande. Dans des villes et territoires on trouve aussi des quartiers qui portent des noms importés : Maroc, Botswana, Kigali, Mozambique,…

Le comble est que même dans des services administratifs ce sont ces noms qui sont aussi adoptés. Selon plusieurs chercheurs, nombreux ne se préoccupent pas de leurs noms ainsi que de leur identité. Même nombreux ont honte de dire leurs noms. Au lieu de s’appeler Kambale, Ndoole,… ils préfèrent des noms tels que François, Claude, Lionel,… « C’est le début du malheur congolais. On ne considère pas la terre que les ancêtres nous ont léguée. Il faut revenir à notre identité. Ces noms piétinent notre identité », tonne professeur Butoa.

Un grand travail car il y a des actes de naissances, diplômes et plusieurs documents qui portent ces noms. « Le Congo s’appelait Zaïre. Ça n’a pas posé de problème. Goma n’est pas plus grand que le Congo. Là où on écrivait Zaïre, on écrit aujourd’hui Congo. Ça n’a jamais causé des problèmes. Il suffit seulement de prendre conscience », suggère le Professeur.

Lisez aussi ce billet sur www.icicongo.net


COP 27 : « Et si chacun plantait au moins un arbre ? »

Popal Isse Vosi, artiste musicien écologiste, résidant à Butembo, à l’Est de la RDC, indique qu’il est temps que ces rencontres qui visent la lutte contre le réchauffement climatique quittent leur caractère protocolaire. Selon lui c’est le moment de passer aux actions concrètes. Il pense que si chacun plantait au moins un arbre chaque année, l’impact de cette lutte serait perceptible. Nous l’avons rencontré en marge de la COP 27 de Charm-el-Cheikh, en Egypte.

A votre avis en tant qu’artiste musicien écologiste, que peut-on attendre de cette COP 27 ?

Je voulais vraiment être présent à Charm-el-Cheikh pour la Cop 27, en tant qu’acteur actif dans la sensibilisation sur la protection de l’environnement et être témoin direct de cette cérémonie grandiose qui a le privilège d’être tenue en Afrique. Qu’à cela ne tienne, je suis en plein travail de studio pour une chanson intitulée « CRECA » qui veut dire « Crédit Carbone ». A travers cette chanson, j’essaie d’expliquer l’importance des arbres, de la forêt, et je suggère à la population, surtout la population urbaine, d’utiliser de manière rationnelle la faune et de la flore. Par exemple, il faut leur dire, qu’avant de couper un arbre, il faudrait au moins en planter trois autres, pour la génération future. Car je me suis toujours dit que la chose la plus propre au monde, c’est cette nature.

Trouvez-vous que la population locale fait des efforts pour la protection de l’environnement ou pour la lutte contre la déforestation ?

Justement ! J’ai beaucoup communiqué sur cet aspect lors d’une tournée écologique avec d’autres organisations et des artistes qui interviennent dans la protection de la nature. Nous avons commencé à Vitshumbi, une des pêcheries situées sur la côte Ouest du Lac Edouard, dans le parc de Virunga, avec le festival Mazingira (environnement, NDLR). Et vous le savez, dans cette pêcherie, les pêcheurs sont souvent attaqués par la marine ougandaise pour violation des frontières lacustres entre la RDC et l’Ouganda. Or pour nous les naturalistes et écologistes, la nature n’a pas de frontière. Avec d’autres artistes, nous avons eu à sensibiliser la population locale, dans son milieu, à travers sa langue… C’était vraiment un succès. Car les gens ont besoin d’écouter autre chose que des coups des balles et des menaces sécuritaires !

Ce succès prouve que les gens commencent à croire à notre engagement dans la protection de la nature. Nous avons aussi été à Goma. Vous sentez qu’il y a ici la nécessité de protéger l’environnement. D’abord c’est une ville volcanique mais aussi touristique. Dans cette ville, on ne manque jamais de valoriser l’environnement sur les grands carrefours et dans les espaces publics. Ce que je déplore, c’est le fait que les gens continuent de jeter des immondices, des bouteilles et sacs plastiques dans le lac Kivu. C’est pourquoi j’ai toujours insisté pour dire que le problème de la protection de la nature est avant tout un problème de foi, de conscience ou même de cœur. C’est une question de fierté pour chaque personne. Nous, nous ne donnons que des informations, mais le discernement pour participer à la gestion de l’environnement est presque individuel, c’est un choix de chacun.

Y-a-t-il encore moyen ou le temps de se rattraper ?

Je crois bien. Par exemple ici chez nous à Butembo, dans les anciens temps, avant les années 2000, des cyprès constituaient les clôtures des différentes parcelles. Et c’était beau je vous assure ! Sur le plan esthétique c’était magnifique et sur le plan environnemental les parcelles étaient aérées. On respirait de l’air bien frais ! Mais aujourd’hui ces sont des enclos en briques qui colonisent la ville, c’est nettement moins beau, et c’est aussi moins efficace pour lutter contre la chaleur. S’il y a encore une opportunité d’un possible lotissement, ce serait beaucoup mieux de récréer des quartiers verts où l’on pourrait profiter de parcelles entourées des cyprès. C’est important d’avoir quelque chose qui met en valeur la faune et la flore.

Pensez-vous que les messages de la COP 27 seront compris au niveau local ?

Il ne faut pas que la COP 27 reste un truc protocolaire. Il est temps de passer à l’action. Quelqu’un m’a informé que le fonds pour le crédit carbone était déjà disponible, afin de compasser des exploitants forestiers. Un comble ! Nous connaissons nos dirigeants, ce sont encore des dignitaires qui vont s’enrichir avec ces fonds… Mais moi je pense qu’il faut avant tout qu’on identifie les initiatives qui vont permettre à la population de faire pression pour sauvegarder la forêt et les parcs.

C’est comme les initiatives de constructions des centrales hydroélectriques qui peuvent amener la population à ne pas utiliser le bois pour la cuisson des aliments. Ça va même chasser des groupes électrogènes qui électrifient des quartiers et alimentent des moulins, garages,… Si la COP 27 encourageait ce genre d’initiatives, il y aurait des avancées dans la protection des forêts. De l’autre côté, il faut montrer à la population les retombées de la bonne protection des parcs. A part l’air frais que les arbres donnent à la population, il y a aussi le tourisme et qui peut booster l’économie des populations riveraines des parcs.

Est-ce qu’au stade où nous en sommes, les gens ont un avis sur le tourisme ?

Nombreux ont en tête que les touristes sont seulement des occidentaux… Pourtant dans d’autres pays comme l’Egypte, le tourisme s’enseigne, c’est aussi un domaine scolaire et même universitaire. C’est toute une science. Et le tourisme facilite les jeunes à mieux connaître leur milieu, à mieux connaître la forêt équatoriale, la vie de leurs anciens parents… Ce n’est pas bon d’apprendre notre flore et notre faune à travers des livres que nous n’avons pas nous-mêmes rédigé.

C’est pourquoi je pense qu’il faut privilégier des randonnées, des sorties, excursions… pour observer les collines, montagnes, forêts, rivières, qui nous entourent… Le tourisme peut aussi aider à ramener la paix et la sécurité. Quand il y a des gens qui fréquentent de manière quotidienne un lieu, quand ils y passent beaucoup des temps, cela peut faire pression aux bandits. Ces derniers vont se sentir dans l’obligation de quitter cet endroit.

Est-ce facile de sensibiliser sur la reforestation des milieux urbains ?

C’est un défi vraiment. Dans plusieurs quartiers et avenues de nos villes, on a du mal à trouver même un seul arbre. Pourtant quand j’étais encore jeune, dans chaque parcelle de la ville de Butembo, il y avait au moins deux arbres et des bananiers. Et ça faisait la beauté de la ville ! Moi, en tant que musicien, je connais l’importance de l’arbre. Si je suis « Popal Isse », c’est grâce à l’arbre. D’abord ma guitare c’est le fruit de l’arbre. Donc ma vie dépend directement de l’arbre. Et je sais que quand je quitterai cette terre, c’est l’arbre qui va faire partie de ma dernière demeure. Il faut dire que l’arbre c’est un bon ami, l’arbre c’est une auberge. La plupart des animaux profitent aussi de l’arbre. Soit ils dorment dans l’arbre, soit ils profitent de l’ombre des arbres.

Où faut-il planter des arbres ?  Y-a-t-il des endroits appropriés ?

On peut négliger quelque chose que l’on possède, qui est sous nos yeux, alors qu’ailleurs cette même chose peut être considérée comme une véritable mine d’or. Il faut une prise de conscience, il faut qu’on soit acteur principal de la protection de l’environnement. Je vous donne un exemple : Un ami à Cuba m’avait posé la question : « Est-ce que le fleuve Congo est toujours là ? », j’avais répondu par l’affirmatif. Et il avait ajouté : « Vous êtes un pays riche, vous avez tout. Vous avez des minerais, le fleuve mais aussi une grande forêt ». Pour dire que si chacun pouvait trouver dans sa parcelle un endroit pour planter même un arbre, le monde sera encore formidable.

Aujourd’hui chacun peut prendre une décision et se dire : « A chaque date de mon anniversaire je dois planter au moins un arbre ». C’est une des solutions. Il ne manque pas d’endroits pour planter un arbre. On peut planter des arbres dans des concessions scolaires, communautaires, autour des églises… par exemple nous, à notre jeune âge, nous avions planté des arbres dans la concession de l’Institut Kambali, à l’hôpital Matanda, à l’hôtel auberge et même à l’évêché du diocèse catholique de Butembo-Beni… Aujourd’hui quand je vois ces arbres, je me sens fière d’avoir participé à ces œuvres écologiques. Il y a même un volontaire qui essaie de planter des arbres le long de la grand-route de Butembo. Malheureusement, il ne bénéficie pas du soutien des autorités locales.

Les initiatives pareilles sont à encourager et à prendre au sérieux. Les arbres sont un des grands souvenirs qu’on peut laisser sur cette terre. Et puis planter un arbre n’est pas fatiguant. Moi, je vais planter au moins cinquante arbres pour mon année jubilaire, à la fin de novembre 2022. Et je demande aussi à tous mes mélomanes et fans de planter au moins chacun un arbre là où il est, pour le soutenir notre engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique. Planter des arbres, c’est le grand cadeau qu’on peut m’offrir pour mon jubilé d’or de naissance et mon jubilé d’argent de carrière musicale !

Propos recueillis par Umbo Salama


Mieux informer sur le terrorisme et l’extrémisme pour stabiliser la société

Plusieurs Etats connaissent une montée du terrorisme et de la violence. Malheureusement, les informations sur ces mouvements et leurs actes ne sont pas souvent reportées dans les médias. A travers un webinaire sur le traitement journalistique du terrorisme et de l’extrémisme violent, le Forum Pamela Howard de l’International Center for Journalist (ICFJ) sur le Reportage des Crises Mondiales tente de donner des ressources aux journalistes pour s’intéresser à ces genres de problématiques et éclairer les sociétés.

Toute la nuit du dimanche 14 au lundi 15 Août 2022, la ville de Butembo, à environ 300 Km au Nord de Goma en province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC, était sous des tirs en armes lourdes et légères. Personne ne connaissait ni l’origine ni les causes de ces tirs, encore moins sur les assaillants. Sur les réseaux sociaux, chacun tentait d’expliquer à sa manière cette situation. La rumeur et la psychose gagnaient de plus en plus du terrain. Il fallait alors de la bonne information. Mais comment en avoir ?

Kavugho Shangwe (Nom d’emprunt) est une femme journaliste de Butembo. Ce lundi matin, elle s’apprêtait à présenter son journal parlé. Comme tout journaliste, elle voulait actualiser son édition en intégrant même une brève sur les tirs de la nuit. Malheureusement, elle n’aura pas de sources pour vérifier tout ce qui se disait déjà sur les réseaux sociaux. Toutes les autorités ne voulaient pas répondre au téléphone de la journaliste. Et celles qui tentaient de répondre disaient réunir encore des éléments avant de se prononcer à la presse.

La jeune femme journaliste présente ainsi son journal sans faire allusion aux tristes événements nocturnes. « A la fin du journal j’étais acculée par des auditeurs pour n’avoir rien diffusé comme information par rapport à cette situation qui a vécu presque toute la nuit. Mais moi je ne voulais pas reprendre tout ce qui se disait sur les réseaux sociaux sans faire une bonne vérification pour ne pas propager les rumeurs et subir la pression des autorités », se justifie-t-elle. C’est vers la mi-journée du lundi 15 Août, plus de 5 heures après que les autorités avaient donné la vraie information.    

Des risques pour les journalistes

L’accès difficile aux sources d’information est l’un des défis auxquels font face des journalistes congolais pour traiter des informations liées à des actes de guerre, de terrorisme, massacre, insécurité et autres formes de violence à l’Est de la RDC. Dans cette partie du pays, deux provinces, le Nord-Kivu et l’Ituri, sont sous Etat de siège depuis le 6 mai 2021 suite aux actes de terrorisme, de criminalité ou de violence dans ce coin.

Des journalistes subissent des intimidations, interpellations, agressions et même des pertes en vies humaines. « Plusieurs ont d’ailleurs peur de traiter des informations sur ces questions sécuritaires. D’autres ont déjà décidé de ne plus évoquer ces situations dans leurs médias. Mais ce n’est pas une bonne position à prendre en tant que journaliste », explique un cadre de l’UNPC (Union nationale de la presse du Congo) en province du Nord-Kivu.      

Des défis que reconnait Kossi Balao, directeur du Forum Pamela Howard de l’International Center for Journalist (ICFJ) sur le Reportage des Crises Mondiales. C’était lors du 101ème webinaire de ce forum du Jeudi 1er septembre 2022 consacré au traitement journalistique du terrorisme et de l’extrémisme violent avec comme invité Jean-Paul Marthoz, chroniqueur au Soir, l’un des quotidiens de référence en Belgique. Il est aussi directeur d’une formation à l’Université catholique de Louvain intitulée : « Les médias et le phénomène terroriste ». Deux de ses livres portent sur « Les médias face au terrorisme » et « Le Journalisme au cœur des conflits ». Marthoz s’est retrouvé à plusieurs reprises dans des situations de conflit et d’émeutes.

Dans son mot d’introduction du webinaire, il explique qu’il y a plusieurs risques à couvrir le terrorisme. « Il y a des risques pour sa propre indépendance, sécurité, légitimité en tant que journaliste, à aller à contre-courant de l’actualité, d’être emprisonné ou à se faire tuer », explique-t-il. Même son de cloche pour Austère Malivika, correspondant de la VOA, Voix de l’Amérique, à l’Est de la RDC et qui couvre des problématiques de guerre et de violence dans la région.

« Il faut être prêt à tous les risques : kidnapping, blessures ou même à la mort puisque vous pouvez piétiner des mines ou même être atteints par des balles. Ce n’est pas un travail facile. Mais aussi il faut s’assurer sur les images à publier quand vous êtes encore dans la zone de violence et des images à publier quand vous n’êtes plus sur la zone. Même les mots à employer pour diffuser une information doivent être bien dosés », conseille-t-il devant des journalistes en formation sur la survie des journalistes dans zones de guerre.

Ainsi, la question de responsabilité du journaliste s’impose. Et quand les autorités parlent de la responsabilité c’est pour chercher à manipuler les journalistes. « Vous qui êtes faiseurs d’opinions, que diffusez-vous ? Les devoirs des médias en cette période de l’état de siège : une conduite irréprochable, une communication citoyenne, l’observance des lois de la république, le respect de l’éthique et de la déontologie », avait expliqué le porte-parole des FARDC, le général Léon-Richard Kasonga, aux journalistes du Nord-Kivu et de l’Ituri.

Un journalisme d’intérêt public ou de vigilance

Difficile ainsi pour les citoyens d’accéder à la vraie information. Plusieurs journalistes rencontrés disent s’abstenir de parler de la situation sécuritaire dans la zone sous Etat de siège pour ne pas être accusé de démobiliser des troupes, de faire l’apologie du terrorisme, de jouer le jeu de l’ennemi ou même d’outrage aux institutions de la république.

« J’avais des informations sur un militaire attrapé en flagrance avec des biens volés dans un endroit où des assaillants ont tué des civils. J’avais diffusé dans ma radio. Quelques heures après j’ai eu des coups des fils de mes collègues me demandant de me cacher car les services de renseignement sont à ma recherche. J’avais failli mourir de peur jusqu’à vouloir abandonner le travail de la presse », se souvient encore amèrement Kalebu Segwane, journaliste à la radio Evangélique de Butembo.

Vianey Watsongo, un journaliste qui oeuvre à Rutshuru, Une zone en proie à des conflits armés, fonciers et autres conflits © Photo Umbo Salama

Il n’est pas ainsi aisé d’écrire sur des sujets qui sont souvent dramatiques et qui créent un autre problème d’ordre éthique de représenter le conflit, la souffrance, la mort,… Dans le monde du journalisme en RDC, certains adages sont même devenus courants : « Aucun reportage ne vaut la vie pour être réalisé… » ou encore « Il n’existe pas de héros vivant ». Pourtant, de l’autre côté, le public a aussi droit à l’information.

« Ce n’est pas seulement des journalistes qui meurent. La mort est un passage, je dirais, obligé. Il y a des gens qui sont entrain mourir alors qu’ils n’ont jamais été sur un terrain où se commettent des actes de violence. Il faut choisir alors. Ou on est journaliste, ou on ne l’est pas », a toujours répondu Nicaise Kibel Bel’Oka, éditeur du Journal « Les Coulisses », bimensuel indépendant spécialiste des grands-lacs.

Même son de cloche pour Marthoz qui dit qu’il faut arriver à concilier responsabilité et devoir d’informer. « Il est important de se demander : Quelles sont les valeurs journalistiques qui m’ont amenées à embrasser cette profession ? Comment j’explique les craintes éthiques, politiques, philosophiques ? C’est ce qui vont déterminer les décisions à prendre », conseille-t-il.

Cet invité du 101ème webinaire du Forum Pamela Howard sur le Reportage des Crises Mondiales indique que le journaliste doit faire ce pôle de référence pour que le citoyen ait des informations confirmées tout en respectant un certain nombre des zones où le secret devrait être respecté, notamment à ce qui concerne les opérations militaires, les crimes et les abus commis par leurs propres soldats. « Le public doit avoir les informations vérifiées et complètes, les opinions les plus diversifiées possibles pour pouvoir agir en conséquence de cause au sein de la société », embraye-t-il. Mais ce journalisme d’intérêt public a un corollaire de vigilance. C’est le devoir du journaliste de surveiller les pouvoirs et les contre-pouvoirs.

« Expliquer n’est pas justifier »

Le baromètre sécuritaire du Kivu indique que l’Est de la RDC compte plus de cent groupes armés nationaux et étrangers. Des noms pour qualifier ces mouvements sont aussi légion : djihadistes, islamistes, terroristes, criminels, assaillants… « C’est pourquoi nous, dans notre média, on aime précéder tous ces noms du substantif présumé ou on recourt au conditionnel. Nous croyons que de cette manière on est déjà protégés », pense un journaliste de la radio Muungano de Beni. Il ajoute que plusieurs dénominations données par les journalistes à ces mouvements qui sèment la violence sont issus des discours des politiciens, membres de la société civile et même de certains chercheurs.

Selon la définition de Jean-Paul Marthoz, un acte de terrorisme est une attaque indiscriminée contre les populations civiles. Il nuance que les Nations-Unies n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur la définition d’un acte terroriste. « Ainsi on peut se référer à des listes des Nations-Unies ou de l’Union Européenne qui qualifient une organisation ou un individu de terroriste, et là il faut citer la source », conseille-t-il.

Il affirme ensuite que pour qualifier un acte de terroriste il faut d’abord analyser les faits commis par le groupe accusé et qualifier ces faits en se référant aux avis des juristes spécialistes et non aux autorités qui vont tenter de politiser ce terme de manière péjorative. Pour les politiciens le mot « terrorisme » est plus vendeur que dire « un acte criminel ». Par nature, on pense qu’un acte terroriste est plus grave qu’un acte criminel. « La dimension terroriste est plus perturbatrice dans le journalisme parce qu’elle peut conduire le journaliste à pratiquer une forme de métier qui tombe dans les dérives », fait-il savoir.

Vers un journalisme de paix

Des organisations internationales qui interviennent dans la formation des journalistes tentent d’orienter des professionnels des médias vers des questions de paix. D’autres encore vers le journalisme d’investigation. C’est le cas de la Deutsche Gesellschaft fur Internationale Zusammenarbeit (GIZ), une agence allemande. « L’objectif est d’amener les chevaliers de la plume à prendre leur responsabilité en produisant au quotidien des informations, des émissions radios et magazines, mais surtout des reportages fiables visant la restauration de la paix dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ces régions  en proie à des conflits armés des décennies durant », a toujours insisté Rosalie Zawadi, présidente de l’UNPC au Nord-Kivu, aux participants à ces formations.

Pour Nicaise Kibel Bel’Oka, l’investigation peut encore aider à mieux participer à la consolidation de la paix. Même son cloche pour Mathoz quand il soutient que le journaliste « peut parler de la vérité des faits de terrain, la vérité derrière les faits de terrain, le contexte dans lequel le conflit se déroule afin de permettre aux citoyens de juger si cette guerre correspond à ce dont se réclament les groupes antagonistes ». Avant d’ajouter que les journalistes doivent expliquer des faits. « Expliquer c’est permettre à une société de comprendre pourquoi il y a en son sein des personnes qui se lancent dans des actions terroristes. C’est contribuer à la connaissance du mouvement terroriste et donc à sa solution ».

Des questions restent pendantes pour plusieurs journalistes qui veulent traiter des sujets sur le terrorisme ainsi que sur des scènes de violence. Certains s’y penchent déjà comme Mwanampenzi Manzekele, reporter du média en ligne « Leo njo leo ». Pour lui, le travail n’est pas facile mais il faut toujours oser. « Un journaliste qui se donne pour mission de comprendre et qui permet aux autres d’agir semble être une mission plus pertinente qui ne viole en aucun cas l’engagement du journaliste pour la vérité », conseille Marthoz. De cette façon, le journalisme est comme l’ancre d’un bateau qui doit permettre à la société de se stabiliser.

Umbo Salama

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La situation difficile des journalistes en République Démocratique du Congo

Au Nord-Kivu, en RDC, des journalistes travaillent dans un environnement violent, accèdent difficilement aux sources d’information ainsi qu’aux formations… Pour recevoir à la fin un salaire faible, des humiliations et des intimidations. Ils restent toutefois fiers d’être journalistes dans une zone exposée aux phénomènes de violence.

« Travailler pour quelques francs congolais en vue d’être un homme de valeur dans la société », c’est le portrait que le chercheur Maombi Mukomya dresse sur la situation des journalistes radio qui officient dans les territoires de Beni-Lubero, à l’extrême-Est de la RDC. Il s’agit des recherches menées dans 92 stations de radio se trouvant à Beni-ville et Beni-territoire ainsi qu’en ville de Butembo et en territoire de Lubero. Ce tableau de la vie des journalistes de la partie Nord de la province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC, a été présenté en marge de la célébration de la journée de la liberté de la presse.

Pour y arriver, il a procédé à des questionnaires d’enquête ainsi qu’à des entretiens interpersonnels. « Pour des radios qui se trouvent dans des zones où règne peu de sécurité comme à Butembo, Beni ville, Oicha,… nous avons nous-mêmes échangés avec des journalistes sur leur travail. Mais dans des zones où il y a de l’insécurité, nous nous sommes faits aider par des personnes qui connaissent mieux la zone », explique Maombi Mukomia.

Dans la région, nombreux sont ceux qui n’ont pas de carte presse permettant de les identifier comme journalistes selon la loi de 1981 portant sur le statut de journaliste en RDC*. Aussi, la majorité a un âge qui varie entre 18 et 30 ans. « C’est un bastion masculin avec 82,2 % d’hommes et 17,8 % de femmes », explique le chercheur.

Les ONG, leader dans la formation des journalistes

Côté formation des journalistes, plus de 47 % ont un diplôme d’Etat et plus de 48 % ont au moins un diplôme de l’institut supérieur ou universitaire. Dans certains médias, le fait de mieux s’exprimer en français ou même d’enseigner des cours de langue à l’école secondaire suffit pour vous recruter comme journaliste. « Nombreux sont ceux issus de cursus comme la pédagogie générale, le social ou le latin, la philosophie… Il faut aussi reconnaître que le nombre de journalistes qui ont des diplômes en sciences de l’information et de la communication est aussi en hausse dans ces radios », renchérit Maombi Mukomya.

Des journalistes participent à une formation sur le journalisme de paix organisé par l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ) et l’Union Nationale de la Presse au Congo (UNPC) / Crédit : Umbo Salama

D’autres expliquent que c’est grâce aux ONG et certains regroupements médiatiques qu’ils ont eu accès à certaines notions sur le journalisme. Cet apport est même évalué à hauteur de ¾ par certains participants. Des problèmes organisationnels de taille subsistent toutefois, car ce sont parfois les mêmes personnes qui accèdent plusieurs fois à ces formations. Et ceux qui participent à ces formations ne vont pas forcément restituer leur contenu à leurs collègues. Le chercheur fait remarquer par ailleurs qu’il y a une absence de formations continues dans les rédactions elles-mêmes.

Les ONG qui forment des journalistes jouent aussi un grand rôle dans leur survie financière et même dans la politique managériale des radios. Un journaliste peut gagner entre 100 et 400 $ dans sa collaboration à des productions radio, des émissions ou autres organisées avec une ou plusieurs ONG, par exemple avec CORACON (Collectif des radios et télévisions communautaires du Nord-Kivu), SFCG (Search for Common Ground) ou Internews. Pendant la riposte contre la dixième épidémie d’Ebola en RDC (2018 – 2020), certains journalistes ont pu réalisé leur rêve comme s’acheter une parcelle et y construire une maison ou bien s’acheter une voiture. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, loin de là… « Je suis journaliste et enseignant à l’école primaire à la fois. Mais je n’ai jamais pu réalisé ce que j’aurais souhaité en deux ans », explique un journaliste qui a voulu rester anonyme. 

Crédit : Umbo Salama

Fierté et reconnaissance du public

Le journaliste du Nord-Kivu fournit un travail bien plus important que ce que suppose son salaire, très faible. Plus de 55 % sont sans contrat de travail et plus de 15% travaillent sous le statut de stagiaire même pendant plus de cinq ans. A part ceux qui travaillent dans la radio officielle, la RTNC, ou la radio onusienne Okapi, ils sont une minorité à pouvoir bénéficier d’un salaire qui se situe entre 100 et 500 $ le mois. Malgré cette maigre rémunération, ma majorité des journalistes n’abandonnent pas leur métier. Au contraire, la profession ne cesse de compter des nouveaux membres. « Ceux qui veulent abandonner ne dépassent même pas 5% », démontrent les recherches conduites par Maombi Mukomya sur la situation du journalisme à l’Est de la RDC.

Ceux qui disent qu’ils ne sont pas prêts à abandonner se justifient par la fierté du travail, mais aussi par le fait qu’ils sont respectés dans la société. « Après le boulot, il y a des gens qui vous envoient des messages d’encouragement. D’autres peuvent vous inviter à prendre une bière. D’autres encore peuvent vous glisser quelques sous. Et quand on dit votre nom en public, le sourire, l’étonnement des gens vous enthousiasment encore », reconnaît un journaliste qui travaille dans une radio en territoire de Beni. Ce métier permet aussi aux journalistes de rentrer en contact avec des personnalités publiques.

Le « coupage », salaire informel ou corruption ?

D’autres persistent dans le métier du journalisme en raison du « coupage ». Dans la sphère médiatique en RDC, ce mot désigne un pourboire qu’une source remet aux journalistes à la fin d’un reportage, d’un point de presse ou d’une interview. Il est devenu un véritable rite.  Les défenseurs de l’éthique qualifient ce « coupage » de corruption discrète qui entache la liberté rédactionnelle du journaliste.

« Actuellement il a des défenseurs du journalisme éthique et ceux du journalisme atypique. Mais face à la situation du terrain, est-ce qu’on ne peut pas aller jusqu’à normaliser le fameux coupage ? Au lieu de le stigmatiser, est-ce qu’on ne peut pas l’institutionnaliser en tant que source de revenu pour les journalistes ? », s’interroge le professeur Kamathe Mbuyiro, chercheur et enseignant à la faculté des sciences de l’information et de la communication de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Pour le professeur, le questionnement demeure : « Qui n’a jamais pris le coupage » demande-t-il tout haut alors que les premiers concernés pensent sûrement la même chose tout bas…

Crédit : Umbo Salama

D’autres encore combinent plusieurs métiers. Ils n’ont pas le journalisme comme activité principale. Ils sont à la fois enseignant ou agent dans des services administratifs de l’Etat ou encore conducteur de moto taxi ou même gardien. « Est-ce que c’est mal pour un journaliste de devenir enseignant, policier, chargé de communication ou même d’élever des poules et de cultiver son champ ? », s’est toujours interrogé Freddy Bikumbi, qui intervient dans la formation des journalistes.

Avec Internet, le journalisme devient encore plus ouvert avec plusieurs opportunités : pigiste, fixeur et reporteur freelance. « Nos rédactions locales nous servent en grande partie d’adresse. Mais on bosse beaucoup pour des chaines internationales. Ici pour un reportage vous pouvez gagner même le triple voire six fois plus que ce que la radio locale vous paie le mois! Vous avez aussi la chance de travailler pour plusieurs médias à la fois. Quand vous faites le total à la fin du mois, vous trouvez que vous n’avez rien à envier à un agent dans une ONG humanitaire  », explique notamment un journaliste de Butembo, au Nord-Kivu.      

Un environnement violent qui fragilise le journalisme

La zone est violente avec la multiplicité des hommes en armes. Il y règne l’insécurité, le vol, les agressions sexuelles et sexistes, le pillage, même des cas de tuerie et de kidnapping… A côté de cette situation générale, des professionnels des radios indiquent qu’ils subissent aussi des violences psychologiques et physiques. Ils peuvent subir ces violences sur le terrain lors de la récolte des informations ou même dans leurs rédactions. « On peut utiliser des termes peu valorisants ou vous humilier. D’autres vous intimident soit en face soit au téléphone. Il y a aussi des femmes qui sont harcelées sur le terrain. Cela peut arriver qu’une source envoie plus de 50 messages à une journaliste qui est venue chercher des infos », se désole un rédacteur en chef d’une radio de Beni qui pointe du doigt le harcèlement. Des conditions de travail qui fragilisent toujours plus la qualité de l’information en République Démocratique du Congo.

*A l’époque, il s’agissait encore d’une loi de la République du Zaïre

Umbo Salama