Crédit:

Des agents sanitaires au cœur de l’intox contre Ebola à l’est de la RDC

Dans le langage collectif, ils sont appelés des « docta » ou mieux « docteurs ». Ces sont ces infirmiers, médecins, tradipraticiens, responsables des officines des ventes de médicaments qui s’occupent des premiers soins des malades dans des villages, quartiers, rues et avenues. Mais, nombreux d’entre eux doutent encore de l’existence de l’épidémie de la maladie à virus d’Ebola. Pourtant, ils sont des vrais leaders en matière de santé. S’ils doutent, qui encore peut être convaincu ?

Photo Medécins dans la rue à butembo
Médecins et infermiers protestent le 24 Avril contre la mort de Dr Muzoko © Djiress Baloki

 

Mercredi 24 avril, des infirmiers et médecins de Butembo, à 300 Km au Nord de Goma, à l’est de la RDC sont descendus dans la rue. Ils dénonçaient des violences et menaces en répétitions contre les centres de traitement et des agents de santé. Cette marche est intervenue après une attaque des cliniques universitaires du Graben, un centre hospitalier de Butembo. Une attaque qui avait causé la mort de l’épidémiologiste camerounais de l’OMS, Dr Muzoko. Mais peu nombreux ont été les médecins et infirmiers présents à cette manifestation. La manifestation s’est soldée par la signature d’une liste nominative de présence. Et donc une contrainte pour manifester et trop d’absences enregistrées.

Si certains justifiaient leur absence par leur sécurité, d’autres ont encore du mal à croire à l’existence de cette maladie. Dans des quartiers, rues et avenues, ces infirmiers et médecins sont des responsables de dispensaires, postes de santé et cliniques privées et des centres de soins naturels (tradipraticiens). Dans le langage collectif, ils sont appelés « nos docteurs ». Ce sont eux qui s’occupent des premiers soins, qui peuvent aller du traitement d’une petite fièvre à l’accouchement. Si lui, docteur de quartier, hésite encore à transférer des cas vers des centres de traitement d’Ebola, comment voulez-vous que ses malades puissent croire à la maladie ?

Suspicion des récompenses contre des cas signalés

A la déclaration de la maladie à Mangina en août 2018, des messages des experts de sensibilisation pour la prévention circulaient en boucle dans des radios locales de Beni et Butembo : « Si vous avez une fièvre, des vomissements, saignements… rendez-vous dans la structure sanitaire la plus proche ». Des populations se trouvant dans ces zones se sont mobilisées pour observer des règles d’hygiène. Des outils de prévention, de protection et même d’hygiène étaient visibles un peu partout. Certaines personnes avaient même acheté des gants pour éviter de se contaminer lors des salutations ou quand il faut palper plusieurs biens sans savoir qui les a touchés en premier. A l’entrée des endroits publics, des bureaux, des résidences, à des barrières des kits de lavage de mains étaient comme obligatoire. Mais tout d’un coup, ces sont des violences qui ont commencé.

>>>Lire aussi : Ebola, cette maladie qui modifie nos conditions d’hygiène

Des agents commis à la surveillance des structures sanitaires locales pour des éventuels cas avaient adopté l’« opération commando et traque de tous les cas de fièvre dans des structures sanitaires », au lieu de collaborer avec des responsables de ces structures. Cette opération est liée à la manière dont les agents de riposte se présentaient dans des postes de santé et autres structures sanitaires des quartiers. Le prélèvement de la température était le seul indicateur pour qu’un malade soit déclaré « cas suspect ». Et à la moindre alerte, un cortège d’une vingtaine de véhicules 4X4, roulant en vive allure, atterrissait pour embarquer le malade, sans même le consentement du personnel soignant de cette structure.

Centre de traitement d’Ebola à butembo © Photo Djiress Baloki, journaliste à Butembo

 

Cette « opération commando » avait soulevé des premières inquiétudes dans la population locale et des rumeurs selon lesquelles « des agents qui alertaient étaient payés au prorata du nombre de cas signalés » ont commencé à circuler. Au même moment des structures sanitaires qui survivent grâce aux factures payées par les malades ne savent pas s’en sortir après que les équipes de riposte embarquent leurs clients. Des rumeurs « d’extraire des organes humains » se propagent aussi. Dans la communauté, ces rumeurs s’associent à des menaces et intimidations contre tout agent commis officiellement au service de lutte contre Ebola.

Deux poids deux mesures s’observent aussi dans l’appui des organisations intervenant dans la riposte aux structures sanitaires. Plus votre structure présente des cas positifs, plus vous accédez à des assistances des organisations internationales et nationales. Des structures qui n’ont jamais présenté des cas se retrouvent abandonnées. Les responsables et les malades sont traqués à longueurs de journée.

Laisser libre court à l’automédication

Des infirmiers, médecins et tradipraticiens qui n’ont jamais été d’accord avec la riposte contre Ebola ont dû fermer les portes de leurs officines. « Ces agents de riposte nous mettent mal à l’aise et nous disent comment après plus de 10 mois nous ne sommes pas capables de présenter même un cas suspect ! Ils surveillent du matin au soir nos structures. Ils sont allés jusqu’à nous contraindre de fermer si nous ne voulons pas croire à l’existence de la maladie d’Ebola », se plaint un infirmier qui un poste de santé au centre-ville de Butembo…… En une journée, sa structure accueillait en moyenne dix malades, en majorité des opérateurs économiques. Aujourd’hui, ses clients l’invitent chacun chez lui pour un traitement en cachette.

Dans d’autres structures, à l’approche des équipes de surveillance des cas d’Ebola, les personnels soignants évacuent des malades de leurs centres hospitaliers, dispensaires et postes de santé. Ils disent protéger leurs clients. Ils sont ainsi appréciés, contrairement à ceux qui alertent à tout cas de fièvre, de vomissement ou de fatigue généralisée. De leur côté, des officines de vente des médicaments se font des bonnes recettes. Pas besoin d’y exposer l’ordonnance pour accéder à tel ou tel autre produit. Et les décès communautaires, des décès survenus à domicile se multiplient.

L’autre défi, c’est la contamination même au sein des hôpitaux. Selon les statistiques de la coordination de lutte contre Ebola à Butembo, 60% de cas ont été contaminés dans des structures sanitaires. D’où la réticence de se rendre aux soins et de suivre des traitements à domicile. Et Ça, c’est une catastrophe, c’est une vraie tragédie d’avoir des transmissions dans les endroits mêmes où les populations vont chercher des soins. Pour la population, certains médecins et infirmiers ne prennent plus le soin d’assainir leurs structures pour qu’elles bénéficient des aides des organisations internationales.

Cher personnel soignant, vous avez toujours accusé des politiciens, commencé par balayer votre case et jouer votre rôle de leader sanitaire.

Partagez

Auteur·e

salamaonline

Commentaires

serge
Répondre

Bien lu monsieur le chef des travaux. Merci bcp