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En République démocratique du Congo, des fausses cartes d’électeurs au Nord-Kivu

A l’issue de l’enregistrement des électeurs dans la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC) en avril dernier, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a suspendu la remise des duplicatas de carte d’électeur. Elle annonce que cette activité pourra reprendre quelques mois avant les prochaines élections. Plusieurs citoyens qui perdent leurs cartes se rabattent sur les services des informaticiens pour obtenir des fausses pièces. Un circuit florissant au mépris de la loi.

La CENI (Commission électorale nationale indépendante) ne délivre plus des duplicatas de carte d’électeur. Elle dit lutter contre la livraison anarchique de ces duplicatas surtout que chaque électeur a seulement droit à deux duplicatas. Pourtant, nombreux sont ceux qui perdent leurs cartes, surtout dans une zone non sécurisée, comme au Nord-Kivu, où à tout moment on peut tomber entre les mains des coupeurs des routes, cambrioleurs et autres malfrats.

Or, sur l’ensemble du territoire national, la seule pièce d’identité valable est la carte d’électeur. Si vous n’en avez pas, il faut présenter un permis de conduire ou un passeport, des documents qui coûtent une fortune et pour les avoir il faut effectuer un long voyage, parfois jusqu’à Kinshasa. Pour contourner cette longue et coûteuse démarche des pièces d’identités, nombreux recourent aux activités illégales des informaticiens.

Des fausses cartes d’électeurs circulent donc

Le prénommé Paulin est un enseignant qui a déjà perdu à plusieurs reprises ses pièces d’identité. Or il ne peut pas accéder à son salaire à la banque s’il ne possède pas de carte d’électeur. Conseillé par ses amis, il sollicite le service d’un secrétariat public pour obtenir une carte falsifiée. Cinq minutes plus tard, Paulin a sa carte d’électeur. Difficile de la distinguer d’une carte originale. Il faut être un bon contrôleur pour découvrir que seul le numéro de série reste celui de la carte scannée.

Selon plusieurs spécialistes en informatique, des cartes d’électeurs délivrées par la CENI n’ont aucune protection et sont faciles à pirater. Elles ne sont incorporées d’aucune empreinte numérique ou d’une puce électronique qui permettrait d’identifier chaque détenteur de la carte.

«Nous utilisons plusieurs programmes. D’abord il faut scanner une carte d’électeur originale qui doit apparaître sur l’écran comme une photo. Ensuite nous remplaçons les identités existantes par celles de la personne qui demande une nouvelle carte. Après y avoir placé sa photo, nous imprimons et plastifions le document qui devient identique à l’original», explique le prénommé Jacques responsable d’un secrétariat public à Butembo.

Plusieurs personnes qui perdent leurs cartes d’électeur ou ceux qui ne s’étaient pas faits enrôler recourent à ces services. Le coût total avoisine 5$. Même des militaires et policiers recourent à ces services quand ils veulent se faire passer pour la population civile. Ces informaticiens vont jusqu’à falsifier des permis de conduire, des diplômes d’Etat, des cartes de service. Il y a de quoi douter de la nationalité de beaucoup de personnes.

Aucune sanction contre ce traffic

Maître Kasereka Kaliki, défenseur judiciaire près le tribunal de grande instance, martèle que piraté les cartes d’électeurs est une infraction punissable par la loi. Il cite l’article 124 du code pénal du 31 mai 1982 qui stipule que «l’infraction de faux en écriture est punie de six mois à cinq ans de prison ferme et de paiement d’amande de 25 milles à 200 mille franc fiscaux». Une disposition légale qui n’est pas appliquée. Certains soulignent le manque de curiosité des OPJ (Officiers de police judiciaire). Surtout qu’il n’y a pas moyen de placer des policiers à chaque secrétariat public pour surveiller ces genres d’activités.

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salamaonline

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